Liberté vs sécurité dans le métavers : le rôle des marques
Article initialement publié sur CBNews.
Le « métavers » figure parmi les mots que vous aurez entendus le plus souvent depuis le début de l’année. Ces espaces virtuels promettent de nous faire vivre des expériences augmentées : sociales, ludiques, culturelles… or, dès lors que des groupes de personnes se retrouvent dans un espace partagé et interactif, le risque de débordement se fait vite sentir. Quelle voie pouvons-nous suivre pour garantir le bien-être de tous « les avatars » (et surtout de leurs utilisateurs humains bien entendu) ?
Les premiers mouvements Me-Too y ont d’ores et déjà éclaté. Alors que certains parlent d’agressions sexuelles virtuelles, d’autres se plaignent d’avoir des avatars qui les suivent de façon insistante, de « trop près ».
Des initiatives de « lois » ont rapidement vu le jour. Dans le Meta, il faut désormais respecter une certaine distance sociale. « Les utilisateurs peuvent toujours se faire des high 5 », expliquent les représentants, « mais ils ne peuvent pas désactiver la bulle de distanciation en allant dans leurs paramètres personnels ». La plateforme se comporte donc en parent : « Non, tu ne te connecteras point sans mettre ta bulle de protection ! ». L’argument clé : ils souhaitent créer une norme comportementale. L’idée est donc « d’imposer le respect » jusqu’à ce que la communauté virtuelle adopte les codes de bonne conduite et comprenne que « leur liberté s’arrête là où commence celle des autres ».
Cependant, le monde entier vient de regarder un Elon Musk s’offrir Twitter en cash pour « faire de la plateforme », dit-il, « une arène de libre expression ». Toutes les voix devraient pouvoir s’y confronter selon lui, or une étude de l’Indiana University Observatory on Social Media démontre que les opinions « conservatrices » sont déjà sur-représentées sur Twitter, celles-ci mêmes qu’Elon Musk souhaiterait libérer.
Mais qu’est-ce que la liberté dans un univers virtuel et à qui revient le rôle de sa protection ?
- Aux plateformes ? Pouvons-nous laisser cette responsabilité à ces sociétés à but lucratif souvent rémunérées par la publicité ?
- A l’Etat ? Peut-être. La France (et l’Europe de manière générale) aurait des lois plus sécurisantes pour ses internautes que les Etats-Unis, par exemple.
- Aux membres des communautés elles-mêmes ? L’auto-régulation collective peut se développer au fil du temps, mais peut-on vraiment sacrifier le bien-être des utilisateurs actuels en attendant…
L’Histoire démontre que le design d’expérience peut accélérer la création d’un cadre vertueux. Quelques Ted Talks comme celui de Joe Gebbia (« How Airbnb designs for Trust ») ou celle de Jane Mc Gonigal sur les bienfaits possibles du gaming nous rappellent à ce jour que les communautés sont des systèmes et peuvent être pensées pour faire ressortir le meilleur de chacun.
Pour continuer à bénéficier des expériences facilitées par et pour les membres d’Airbnb, il faut faire preuve de savoir-être et recevoir des évaluations positives par ses pairs. Le “purpose” est si engageant en tant que tel qu’il engendre une responsabilisation au sein de la communauté. Les disrupteurs sont naturellement exclus. Il semble légitime à tout utilisateur de la plateforme qu’il faille mériter les liens relationnels qui s’offrent aux “insiders” en faisant preuve de politesse et de bienveillance.
Jane, quant à elle, nous apprenait il y a déjà plus d’une décennie que certaines dynamiques de gaming (faire confiance au joueur en lui donnant une mission importante dès le début, le soutenir dans sa progression avec des tips pédagogiques, lui permettre de personnaliser son univers, l’inviter à rejoindre une tribu sur une mission collective...) motivent l’humain à adopter des postures plus constructives, collaboratives et optimistes. Des “best practices” qu’elle recommande d’appliquer dans les écoles, les entreprises et toute forme d’espace de partage.
Chez Vanksen, nous sommes convaincus que la créativité s’épanouit au filtre des meilleurs briefs et donc des contraintes bien pensées. En attendant que le Meta ne fasse ses ajustements, les marques deviennent des hôtes dont le pouvoir reste considérable. En tant que « brand experience designers », il est dans leur capacité et responsabilité de créer des espaces vertueux, sécures et agréables pour les membres de leurs communautés.
Pour définir les expériences qui seraient les plus authentiques, légitimes et engageantes pour une marque dans le métavers, il est clé de commencer par se poser les bonnes questions :
Quelle est la raison d’être de votre marque ? Quelle est « la raison de se réunir » des membres de votre communauté ? Pour partager une passion commune autour de votre produit ou service ? Pour accéder à des informations clés autour d’un besoin commun ? Quelle passion ? Quel besoin ?
Les réponses à ces « burning questions » indiqueront la voie vers les idées les plus pertinentes. On commence alors à comprendre quelles activités, quels contenus, quelles actions et fonctionnalités doivent exister pour faciliter les brand experiences qui incarneront la marque de façon optimale. Ce n’est qu’alors qu’il devient possible d’anticiper les types d’interactions clés qui auront lieu dans l’espace dédié de la marque, et de prévoir (pour prévenir) tout geste pouvant porter atteinte au bien-être des typologies de membres. La marque peut alors réunir ses designers pour développer un système qui va créer les conditions d’une liberté inclusive et épanouissante pour sa communauté digitale.
A l’heure où nous rédigeons cet article, le deal n’est pas encore conclu. Selon Business Insider, Elon Musk tenterait de renégocier le prix de la plateforme à la baisse si Twitter ne parvient à prouver que moins de 5% des utilisateurs sont des bots. Et CNBC nous apprend que les investisseurs de l’oiseau bleu sont en train d’attaquer Musk en justice pour avoir procédé à une manipulation des marchés (depuis le début des déclarations de l’homme d’affaire, la valeur de Twitte a chuté de 12% et celle de Tesla de 28%.